Francisca Corona Ravest

1ere L

 

Commentaire

Discours sur la servitude volontaire

 

 

Âgé de 18 ans, l’écrivain et poète français Étienne de La Boétie (1530-1563) publie en 1549 son ouvrage qui fait partie des prémices des textes des Lumières intitulé « Discours sur la servitude volontaire », qui est devenu un modèle de pensée humaniste contre toutes le formes de tyrannie, mais qui nous parle aussi de la soumission du peuple au tyran. L’extrait étudié peut être divisé en cinq parties et comporte un registre polémique. Il présente l’opinion de de La Boétie par rapport à la façon dont les personnes se laissent maîtriser et détruire : il reproche leur attitude et les invite à se libérer du tyran.

 

De quelle manière l’auteur présente la soumission volontaire du peuple et les invite à se libérer ?

 

Nous verrons dans un premier temps la description et personnification du tyran, puis la soumission volontaire du peuple et finalement l’invitation de libération faite par de La Boétie au peuple.

 

 

Dans un premier temps, on constate que dès le début de l’extrait, l’auteur évoque le tyran à partir d’un pronom démonstratif et d’un pronom relatif : « Celui qui » (l.1). Aux lignes suivantes on observe le portrait du tyran, lequel est composé par une progression « yeux, mains, corps, moindre » (l.1-2), laquelle permet au lecteur de se rendre compte que le tyran est un homme constitué comme tous les autres. Le réseau lexical du corps ; « yeux » (l.4), « mains » (l.5), et « pieds » (l.6), fait penser que le tyran utilise ces parties très importantes du corps humain pour obtenir ce qu’il veut, puisqu’elles indiquent la force et le contrôle. Les yeux représentent la vue, l’observation et la connaissance ; les mains permettent de maîtriser des objets, donc par analogie, ceux qui acceptent la soumission au tyran sont des objets ; et finalement, les pieds servent à se déplacer ou à écraser quelque chose, ce qui nous renvoie à l’écrasement du soumis comme s’il était quelque chose de vulgaire, de petit, d’insignifiant. Le mot « moindre » s’oppose complètement à l’hyperbole « nombre infini de vos villes » (l.3) pour démontrer que n’importe quel homme, même s’il n’est pas très considéré ou connu par ce « nombre infini » d’hommes, est égal en droits et valeurs au tyran.

 

Ensuite, on trouve quatre négations exclusives « n’a que » dans cette première partie (Celui qui (…) détruire.) lesquelles démontrent que ce tyran n’as pas un droit divin et n’est pas plus doué que le reste du peuple. Le connecteur d’opposition « sinon que » et l’expression « c’est » à la ligne 3 indiquent tout de même une différence entre le tyran et le peuple : il est supérieur aux autres mais pas parce qu’il l’est vraiment, mais parce que le peuple lui permet de les maltraiter et de profiter d’eux.

 

Finalement, on observe à partir d’une gradation des verbes, que celui qui semble avoir le pouvoir est vraiment une personne qui exerce son pouvoir de façon extrêmement autoritaire et arbitraire : « épie » (l.4) ; « frapper » (l.5) ; « foule » (l.6) ; « pouvoir sur vous » (l.6) ; « meurtrier » (l.9) ; « tue » (l.10). Ces actions sont faites par un « il » évoqué constamment et qui représente ce tyran dont de La Boétie parle. Cela nous permet de nous rendre compte de la puissance qu’a gagnée le tyran à cause de la passivité du peuple mais aussi de l’image péjorative que l’auteur a de lui.

 

Dans un deuxième temps, on peut observer que de La Boétie reproche au peuple son inaction puisqu’il attribue la puissance du tyran à leur faiblesse et au fait qu’ils se ne fassent pas respecter par celui-ci. Le pronom personnel « vous » est fort présent dans l’ouvrage : « sinon qu’il y a plus que vous tous c’est l’avantage que vous lui faites, pour vous détruire. » (l.3-4). Maintenant l’auteur interpelle directement le lecteur et cherche donc à provoquer une réaction en lui, ce qui nous permet de reconnaître le registre polémique dans l’extrait : l’auteur cherche à discréditer son adversaire, le tyran, au travers de son argumentation. De plus, le terme « détruire » est considéré comme un terme extrêmement fort, ce qui révèle la force qu’a le tyran et l’impuissance ou faiblesse que le peuple acquiert volontairement.

 

De même, on constate une construction identique des phrases dans la partie 2 (D’où il a pris (…) vous-mêmes ?) : Adverbe interrogatif + il + si + vous + ? ; « Comment a-t-il tant des mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? » (l.5-6). L’adverbe interrogatif veut mettre en évidence la culpabilité du peuple puisque l’auteur sait comment ou d’où le tyran, représenté dans ces questions rhétoriques par le pronom « il », a obtenu ce qu’il a.

Le mot « si » indique la condition qui permet au tyran de l’être et met de l’insistance sur le fait que cette soumission de la part du peuple soit acceptée, et donc volontaire. Finalement, le pronom « vous » interpelle le lecteur pour l’intégrer dans cette question qui ne cherche pas une réponse, mais qui cherche le culpabiliser et lui faire prendre conscience de la situation de servitude dans laquelle il se trouve.

 

Ensuite, on observe dans la troisième partie de cet extrait (Vous semez vos fruits (…) vilains plaisirs.) que la construction des phrases est similaire à celle de la deuxième partie mais il y a une inversion des pronoms : dans la deuxième partie, le pronom « il » se positionne avant le pronom « vous » , « A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? », tandis que dans la troisième partie c’est l’inverse, puisque l’auteur veut que ce « vous » en début de phrase marque la responsabilité de la servitude volontaire du peuple. Les pronoms « vous » et « vos » s’opposent aux pronoms « il » et « ses » : « Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries (…) ». Le pronom « vous » indique plusieurs personnes, tandis que « il » indique une seule, mais cette unique personne a plus de force et est présentée comme supérieure à ce « vous ».

 

Finalement, on remarque qu’il y a des verbes qui indiquent des actions positives, mais aussi il y a d’autres qui signalent des actions négatives. Pour les premiers, on trouve « semez » (l.10) ; « meublez » (l.11) ; « remplissez » (l.11) ; « nourrissez » (l.12) ; « rompez à la peine » (l.15). Pour les deuxièmes, on peut citer « qu’il en fasse le dégât » (l.10-11) ; « fournir à ses voleries » (l.11) ; « saoûler sa luxure » (l.12) ; « mène en ses guerres, (…) les mène à la boucherie » (l.13-14) ; « qu’il les fasse les ministres de ses convoitises » (l.14) ; « se vautrer dans les sales et vilains plaisirs » (l.16). Les actions positives expriment l’effort que le peuple a mis pour les réaliser, mais les actions négatives du tyran s’opposent à celles-ci et pour nous dire que lorsque le peuple accepte la soumission et la servitude, toutes leurs actions considérées comme positives deviennent des actions négatives : le lecteur ne peut pas vivre tranquille puisque même s’il essaye de faire le bien, il est en train de faire le mal.

 

 

Enfin, on constate que l’auteur invite le lecteur à désobéir au tyran, à devenir libre et à ne plus être soumis à cette servitude. Dans la quatrième partie (Vous vous affaiblissez (…) vouloir faire), de La Boétie continue à utiliser le pronom « vous » pour interpeller son lecteur : cette fois-ci il ne lui reproche rien mais il lui dit que tandis qu’ils continuent à ne pas lutter et désirer se délivrer, ils ne le feront pas et donc le tyran deviendra plus fort : « Vous vous affaiblissez, afin de le faire plus fort et roide » (l.17) ; « vous pouvez vous en délivrer, si vous essayez, non pas de vous en délivrer, mais seulement de le vouloir faire. » (l.19.20). L’auteur voit une solution facile à la liberté du peuple puisque d’après lui c’est « le peuple qui délaisse la liberté et non pas le tyran qui la lui prend. ». Si le peuple se décidait à ne plus soutenir le pouvoir du tyran, ils deviendraient libres : c’est la cinquième et dernière partie de l’extrait (Soyez résolus(…) se rompre.) qui comporte cette invitation avec un ton impératif. Pour Étienne de La Boétie, le tyran n’est personne sans le peuple puisqu’il les invite à ne plus le soutenir, à ne plus alimenter sa tyrannie et donc il deviendra « un grand Colosse, à qui on a dérobé la base. » (l.22-23).

 

Avec cette invitation, l’auteur conclut son ouvrage et pour convaincre son lecteur il utilise l’Impératif présent : de cette manière il les encourage à ne plus participer de cette servitude volontaire causée par eux-mêmes : « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. » (l. 20-21)

 

 

En conclusion, nous pouvons dire qu’Étienne de La Boétie présente la soumission volontaire du peuple et les invite à se libérer en jouant avec les pronoms personnels et en interpellant son lecteur : grâce à cela il peut le culpabiliser de ce qu’ils sont en train de vivre, mais aussi en faisant des inversions des mots il peut les inviter à ne plus faire partie de la tyrannie. Les pronoms « il » et « vous » jouent des rôles importants puisqu’ils ne désignent pas seulement des personnes : ils caractérisent les deux parties qui s’opposent dans cette lutte polémique du pouvoir et de soumission. De plus, l’auteur présente l’adversaire du peuple, le tyran, dès le début de son ouvrage jusqu’à la fin de celui-ci pour démontrer qu’il est toujours présent dans la vie de servitude du peuple tandis qu’ils ne se décident pas à refuser de coopérer avec cette tyrannie qui les fait vivre tant d’indignités.