Commentaire: “La prose du Transsibérien”, Blaise Cendrars (1913)

Nous sommes sous la présence d’un extrait de « La Prose du Transsibérien, écrit par Blaise Cendrars et publié en 1913.

Cendrars es né le 1er septembre 1887, et a pour vari nom Fréderic Louis Saucier. Il se caractérise par avoir voyagé beaucoup, et très jeune.  Il prend souvent le train, et montre une curiosité pour les arts variées.

Le poème est écrit en 446 vers irréguliers, d’où il prend le nom de « Prose », et le Transsibérien est un train qui circule de Moscou à Vladivostok, qui a été pris par l’auteur dans sa première fugue, quand il avait 16 ans.

L’extrait est le début du poème, et décrit l’ambiance du train pendant que le narrateur s’imagine le voyage qu’il veut réaliser.

 

Nous nous demanderons donc en quoi cette aventure invite à une introspection.

Pour ce faire, nous étudierons en premier temps le réel présent dans l’extrait, pour après étudier l’imaginaire qui reflète le poème, et finalement nous nous intéresserons sur le retour au réel par le narrateur.

 

Dans une première partie, nous pouvons remarquer la présence de la première personne du singulier et du pluriel, comme au vers 8: « je m’en souviens », et « je partis mois aussi » (vers 3), « nous «  (V.5), ce qui renvoi au témoignage d’une aventure vécue. Comme Cendrars a pris ce train pendant son adolescence, « La prose du Transsibérien » pourrait bien être inspirée par ce premier voyage en train.

On peut aussi noter des allusions temporelles précises, comme au vers 1 « un vendredi matin », et au vers 2 « on était en décembre ». Ces deux premiers vers situent la situation temporelle du poème, ce qui effectivement nous donne une sensation de réalité. Et on note aussi, au vers 4, « à Kharbine », vers seulement composé par ses deux mots, ce qui met en valeur la destination du train, et qui nous permet d’avoir le lieu précis où se déroule l’action. Ceci, accompagné des marques temporelles, est aussi un indicateur de réalité qui se présente dans le poème.

Au vers 6, on peut retrouver « Made in Germany », et au vers 7 on retrouve une allusion à un bouton perdu, par contre le lecteur doit s’imaginer d’où provient celui-ci, car l’auteur ne précise pas si le personnage portait une veste particulière. Ces deux procèdes donnent au poème l’actualité, car l’anglais est une langue qui domine les médias, la musique, et le bouton perdu peut provenir d’un habit d’usage actuel. On peut noter aussi l’emploi de chiffres, au vers 5: « deux coupés […], 34 coffres », ce qui donne aussi, accompagné des deux procédés antérieurs, la sensation du réel présent dans la première partie de l’extrait.

 

On peut donc dire que le poème pourrait être une aventure vécue par l’auteur, marqué d’éléments sortis de la réalité, et qui donnent aussi de la modernité et actualité au poème. Nous nous intéresserons maintenant dans l’étude de l’imaginaire qui se présente dans l’extrait.

 

Dans une deuxième partie, on peut constater que le narrateur est un personnage enfantin. Ceci est mis en évidence principalement avec le mot « brigands», vers 12, qui emphase la naïveté du narrateur avec l’utilisation de ce mot. On a aussi la référence,  dans un premier temps,  d’une arme « un browning nickelé » (vers 10) comme un jouet pour enfants, ce qui est mis en valeur avec l’utilisation du verbe jouer deux fois dans l’extrait, (vers 9 et 12). Et on peut noter aussi, la comparaison v. 25 »comme un enfant », qui renvoi au sentiment enfantin.

On a aussi des allusions aux lectures enfantines, telles comme « Jules Verne» (vers 10) et « Ali baba et les quarante voleurs » (vers 19). Le narrateur pense qu’il aura lieu une aventure, en comparant son voyage aux ceux retrouvés dans les lectures précédentes. Ceci est accompagné du champ lexical de l’aventure, « volé », « défendre », « brigands » et « Saltimbanques ». Tout ceci sera possible « grâce au Transsibérien » (v.14), apposition qui montre que le train est un objet magique qui transportera le narrateur vers des aventures extraordinaires.

On peut aussi noter que, des vers 10 à 15, l’auteur fait référence aux dangers antiques, comme « les Khoungouzes », « petits mongols du Grand-Lama »,et son suivis par des dangers que on peut considérer comme modernes,  tels que (vers 22 et 23): « Les rats d’hôtel/ et les spécialistes des express internationaux ». On peut noter l’utilisation d’une apposition « contre les plus modernes » (vers 21). On peut voit une confrontation des éléments antiques contre les modernes,  ce qui met en évidence l’élément moderne présent dans le poème.

 

On peut dire que le poème reflète les aspirations du narrateur dans la recherche d’aventures extraordinaires, avec un esprit enfantin. La modernité du poème est aussi présente dans cette partie de l’extrait. Nous étudierons alors le retour au réel du narrateur.

 

Dans une dernière partie, nous pouvons remarquer que dès le début du poème, on voit la présence d’un lyrisme partagé avec la première personne du pluriel (« nous » v.5), qui finit par se transformer définitivement dans la première personne singulier (« Je », v.15) du vers 15 jusqu’à la fin de l’extrait. Ceci montre la prise en conscience de soi-même par le narrateur. Ce qui renvoi au réel sont les allitérations, du vers 28 au 38, qui font penser au bruit du train quand il est en mouvement: « Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés/ le ferlin d’or de mon avenir/ mon browning le piano et les jurons des joueurs des cartes […] ».

On peut constater aussi la longueur du poème, (446 vers), qui représentent la longueur du voyage. On constate aussi la ponctuation inexistante au long de l’extrait, sauf au vers 39 « Pas de nature! », ce qui renvoi au renfermement du narrateur dans le train, et donne au poème un monde infini, « éternel » (v.37). Le voyage éternel est mis en valeur au vers 47: « Et l’Europe toute entière[…] », qui ne renvoi pas à un lieu ou date précise, a différence du débout du poème. On note aussi l’utilisation en début de vers de la conjonction « Et » dans plusieurs vers, vers 14, 18, 20, 21 entre autres, qui marquent le rythme accéléré de la première partie du poème. Par contre, l’utilisation dans des vers plus éloignés entre eux, comme vers 40, 45, 47, 55, marquent la monotonie du trajet vécu par le narrateur.

On voit aussi l’utilisation d’images de connotation négative, comme « ciel bas », « Ombres taciturnes », qui font de l’ambiance du poème quelque chose de « triste » (v.25). On remarque aussi la pensée philosophique du poète, avec l’utilisation de figures de style en comparaison de la vie du narrateur, comme au vers 44: « comme ma vie », vers 45 « Et ma vie ne tient pas plus chaud que cette châle ». La monotonie devient plus évidente, avec des verbes qui renvoient à des sensations étourdies, comme au vers 53 et 54: « Que je rêve/ que je fume ». Le narrateur devient l’objet lyrique, plutôt que les aventures imaginaires  dont il décrivait auparavant. T’extrait termine avec une hyperbole (v.55/56): « Et la seule flamme de l’univers/est une pensée … », ce qui emphase la monotonie de la dernière partie du poème, qui referme les comparaisons avec la vie du narrateur.

 

On peut conclure que le poème invite à une introspection grâce à la transition de l’imaginaire au réel, quand le narrateur se retrouve avec la monotonie du voyage plutôt que les aventures qu’il imaginait. Ce poème montre aussi la modernité de l’écriture de Cendrars.

On pourrait se demander comment l’ouvre de Sonia Delaunay, La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France accompagne le poème de Cendrars.