Commentaire Phèdre

 

 

En 1677, le dramaturge et écrivain français, Jean Racine (1639 - 1699) publie son œuvre tragique intitulée "Phèdre", qui fait référence à la mythologie et permet de questionner les passions humaines. Le personnage éponyme, Phèdre, épouse de Thésée, roi d'Athènes est accablée par un problème passionnel et doit choisir entre la raison et la passion: avouer son amour au fils de Thésée, Hippolyte, ou continuer avec sa vie et son rôle de reine. Dans l'extrait étudié, Phèdre est interrogée par sa confidente, Oenone, qui veut savoir quel est le problème qui l'accable. 

 

De quelle manière est organisé l'aveu dans cette scène et quel est le rôle d'Oenone par rapport à celui-ci? 

 

Pour cela, nous verrons dans un premier temps la complicité existante entre Phèdre et Oenone, puis, l'homme face au destin où l'on trouve un combat entre la raison et la passion, et finalement, l'accélération et le ralentissement de l’aveu de la part des personnages. 

 

Dans un premier temps, on peut observer qu'il y a une confidentialité existante entre Phèdre et Oenone: cette dernière, est la confidente de la première et s'occupe de ses problèmes non seulement comme une confidente, mais comme une amie, comme une mère. Pour Oenone, le problème de Phèdre est aussi son problème puisque c'est elle qui l'a accompagnée pendant toute sa vie. Au vers 3, "Madame, au nom des pleurs que pour vous j'ai versés,", on peut observer plusieurs marques qui font référence à la relation entre ces deux personnages. Lorsque Oenone utilise le mot "Madame" pour introduire ce qu'elle veut dire, elle fait emphase sur le respect qu'elle a pour Phèdre, elle s'adresse à elle en tenant en compte de qui elle est. Ensuite, on constate qu'il y a des mots antéposés qui créent une hyperbate: "pour vous", cela démontre la soumission et l'affection d'Oenone envers Phèdre puisque ce qu'elle a fait, elle l'a fait pour Phèdre: elle a pleuré pour la Reine, il y a donc un sentiment d'amitié et de confidence. 

 

De même, on continue à observer la relation entre Oenone et Phèdre au vers 6 où Phèdre demande à Oenone de se lever en utilisant une forme injonctive: "Tu le veux. Lève-toi". Elle lui a clairement indiqué que si elle voulait quelque chose, elle devait faire ce que Phèdre dit. Ici, si elle voulait savoir ce qui se passait, elle devait se lever puisque Phèdre n'allait pas s'approcher d'elle pour lui dire. Cela indique que l'épouse de Thésée a un certain pouvoir sur sa confidente. 

 

 Ensuite, au vers 7, "Parlez, je vous écoute", Oenone utilise l'Impératif présent pour s'adresser à Phèdre. Cela nous permet d'observer que les rôles se sont inversés par rapport au vers précédent puisque, généralement, c'est Phèdre qui ordonne des choses à Oenone, donc il y a de la confidence puisque cette dernière se permet d'ordonner des choses à Phèdre sans qu'elle le lui reproche. Aussi, ce vers nous démontre que Phèdre est invitée par sa confidente à se confier, à avouer ce qui l'accable: Oenone veut l'aider, veut qu'elle se libère. 

 

 Puis, grâce à l'hyperbate du vers 9, "Par des vaines frayeurs cessez de m'offenser", on constate qu'on nous présente un rapport d'égalité entre les deux femmes, puisque Oenone utilise le verbe "Cesser" à l'Impératif, mais aussi lui demande de ne plus "l'offenser". Cela démontre que d'après Oenone, elle a les mêmes droits que Phèdre de ne pas être offensé: elle lui demande de la respecter, mais au même temps elle se rebelle pour démontrer à la Reine qu’elle est comme elle, qu’elles sont égales et tellement proches comme pour que Phèdre se confie.

 

 Finalement, on peut dire que c'est grâce aux réponses courtes du dialogue qu'il y a entre Phèdre et Oenone qu'on peut observer cette confidentialité. Oenone est constamment préoccupée par ce qui se passe avec Phèdre, comme elle le démontre au vers 5: "Délivrez mon esprit de ce funeste doute." : elle aussi est accablée par la situation, même sans savoir ce qui se passe vraiment, ce qui nous permet de conclure que lorsqu'il y a un problème qui incommode Phèdre, celui-ci incommodera Oenone aussi. De plus, on peut conclure que Phèdre confie complètement sur sa confidente puisqu'elle lui avoue finalement son plus grand problème, son fatal destin. 

 

Dans un deuxième temps on va étudier l’homme face au destin. On peut voir que Oenone sait que le destin de Phèdre est fatal: ''délivrez mon esprit de ce funeste doute’’ (v.5) Après à la ligne 8 « Ciel ! Que luis vais-je-dire ? Et par où commencer ? » on voit que Phèdre demande de l’aide au divinités en utilisant le mots « ciel », ce qui fait une référence au destin ; en plus on peut constater que Phèdre est dans une situation très compliquée, elle ne sait pas où elle est. Dans toute la scène, surtout Phèdre, évoque son « destin fatal » : « Ô haine de Vénus ! Ô fatale colère ! » (v.10) ce qui nous montre que se destin joue un rôle très important par rapport à l’état de souffrance ou se trouve Phèdre.

 

De plus on voit une métonymie pour évoquer à la famille et sa malédiction, qui nous montre que Phèdre est destiné à souffrir et ne pas être tranquille : ''puisque venus le veut, de ce sang déplorable, je péris la dernière et la plus misérable’’ (v.18 et 19). Donc, dans ce troisième point on peut constater que le destin et le principal coupable de ce grand problème qui est en train de faire que Phèdre soit dans un état de souffrance et de complication. 


Finalement on peut dire que l’auteur utilise un jeu des personnages qui fait ralentir ou accélérer la scène, présente dans la discussion de Phèdre et Oenone. De cette manière il crée une souffrance de Phèdre, une tension plus grande, une tragédie, et provoque aussi une suspense au lecteur car ils veulent savoir aussi de qui est amoureuse Phèdre. C’est Oenone qui provoque une plus grande tension, avec le besoin d’accélérer l’aveu avec l’utilisation des nombreux procédés : questions, stichomythies, phrases exclamatives, etc. Ce personnage joue un rôle très important dans la scène et dans toute l’œuvre. Grâce à cette organisation le spectateur ou le lecteur peuvent mieux connaitre la relation entre Phèdre et Oenone.

 

 

Dans un troisième temps, on peut observer dans l'extrait deux figures opposées qui vont jouer un rôle important sur le thème de l’aveu. Ces deux figures sont Phèdre, qui va traiter de ralentir l'aveu qu'elle doit faire, et Oenone, qui veut accélérer cet aveu et va traiter de faire se confier Phèdre pour l'aider. Le rôle d’Oenone est présent sur les vers 12 et 13 quand elle dit : « Oublions-les, Madame. Et qu’à tout l’avenir. Un silence éternel cache ce souvenir »,  où dans un principe on constate qu'Oenone veut accélérer le processus de libération de Phèdre.

 

Après cette recentralisation de l’aveu Phèdre ne peut pas échapper; et sur les vers 20 à 29 on va pouvoir observer le jeu crée par l’auteur sur le dialogue. Aux vers 20, 22 et 23 Oenone fait des questions courtes comme « aimez-vous ? » ; « Pour qui ? » et « Qui » où reste visible la stichomythie d'Oenone et son essai désespéré pour accélérer l’aveu de sa maîtresse.

 

Mais, à contrario, Phèdre veut ralentir le processus de libération en faisant appel à sa malédiction familiale, comme on peut observer dans les vers 14 et 15, pour évader un peu le thème centrale de sa vraie malédiction. Par contre Oenone s’intègre sur les problèmes qui accablent sa maîtresse mais à la fois elle recentre l’aveu, comme on peut le voir sur les vers 16 et 17 : « Que faites-vous, madame ? Et quel mortel ennemi contre tout votre sang vous anime aujourd’hui ? ».

 

Par contre Phèdre va jouer plus sur le ralentissement avec l’aide de la ponctuation, la répétition et la périphrase pour designer Hippolyte, la raison du problème qui l'accable. Comme dans les vers 23 à 25 où les points de suspension « … » à la fin de chaque réplique vont créer sur le lecteur un effet de suspens et ralentissement par rapport au chemin que parcourt l’aveu.

 

La répétition est présente sur les vers 24 et 25 quand Phèdre fait des répétitions sur le verbe "aimer" quand elle dit « J’aime… J’aime… » : Avec la périphrase des vers 27 et 28 quand elle ne veut pas nommer Hyppolyte mais elle le dit d’une autre manière en utilisant une périphrase: « Tu connais ce fils de l’amazone ? ».

Finalement tous ces détails sont mis de cette manière pour créer la tension sur la scène et pour faire une opposition entre les deux personnages, maîtresse et confidente, de façon qu’une accélère l’aveu et crée la tension et l’autre qui va le ralentir.

 

 

Pour conclure, nous pouvons dire que  l'auteur présente un jeu entre les personnages pour ralentir ou accélérer l'aveu: on a pu observer la réaction de Phèdre et celle d'Oenone au moment d'avouer ou de vouloir savoir ce qui se passait. De cette manière, il crée la souffrance chez Phèdre, ce qui crée à la fois cette tragédie, mais aussi le suspens chez le lecteur: il ne sait pas quand Phèdre avouera ce qui l'accable, mais aussi le comportement d'Oenone participe de ce suspens.

De plus, grâce à cette organisation de l'aveu, le spectateur ou lecteur peut mieux connaître la relation entre Phèdre et sa confidente.

Finalement, c'est Oenone qui créée cette tension, cette discussion avec leur besoin d'accélérer l'aveu grâce aux stichomythies, phrases exclamatives, etc.: son rôle est très important, puisque sans elle, il n'y aurait pas de dialogue ni d'aveu de la part de Phèdre ni la connaissance de la relation entre ces deux femmes.