Tableau d'analyse
Scarron, Le Roman comique, (1651-1657)
I. Lire, relire, rerelire, rererelire, rererererelire, etc.
II. Recherches biographiques, œuvre
· Structure
· Extrait composé d’une première partie narrative, assez succincte, d’un long dialogue et d’une seconde partie narrative.
· On peut noter la présence de burlesque
« Si le lecteur est scandalisé de toutes les badineries qu'il a vue dans ce livre, il fera fort bien de d'en lire pas davantage ... » C’est ainsi que s’exprime Scarron dans la préface du Roman comique (1651-1657) dont nous avons maintenant un extrait du chapitre X, livre 2 à commenter. Dramaturge inspiré des comédies espagnoles, Scarron nous offre ici un roman bien particulier, rompant avec la tradition du roman aux personnages idéalisés. Ce récit est en effet considéré comme l’un des premiers romans picaresques français où le burlesque, le comique de théâtre s’immisce dans le genre narratif du roman. Le Destin avec sa troupe comédiens sont arrêtés dans une auberge. Madame bouvillon s’y trouve également. Dans l’extrait que nous avons à commenter, où prédomine le registre burlesque, entamé par une porte qui s’ouvre, se terminant par une porte qui se ferme comme les délimitations d’une scène de théâtre, on peut voir cette énorme femme très entreprenante, tenter de séduire le pauvre comédien qui ne semble pas du tout en avoir envie.
III. Analyse linéaire + Analyse d’ensemble
Ligne |
Citations |
procédés |
Analyse |
1-4 |
« On desservit […] après elle |
Phrase qui pose le cadre de la « scène » à ressemble à une didascalie |
Apporte de la théâtralité à l’extrait. Lien avec le paradoxe générique du titre de l’œuvre roman (récit avec personnages idéalisés)/comique (registre de la comédie et donc plutôt du théâtre) |
1 |
« le Destin » |
Nom de comédien choisi par le personnage différent de son identité réelle |
Ce choix de nom peut prêter à penser qu’il possède un contrôle total sur sa vie alors qu’il est totalement dominé par Bouvillon et ne contrôle absolument pas la situation. à effet comique |
2 |
« Bouvillon » |
Nom commun qui signifie jeune bœuf |
Nom ridicule attribué à ce personnage qui par la suite confirme l’animalité présente dans son nom |
3-4 |
« tira la porte après elle |
Hyperbate |
Attire l’attention du lecteur sur la porte qui va être évoquée à plusieurs reprise à montre que sa fermeture n’est pas fortuite. + à porte = élément scène théâtre à entrées/ sorties |
4 |
« La Bouvillon » |
Déterminant devant nom propre |
Dépréciatif à Le déterminant rappelle le sens du nom communà personnage ridiculisé avant même sa première intervention dans l’extrait ; |
5 |
« , qui […] garde, » |
Prop. Relative en apposition à procédé emphatique |
Met en valeur l’isolement de le Destin avec Bouvillon |
6 à 26 |
« voyez […] consentement » |
Dialogue –paroles rapportées au style direct |
Longue partie de l’extrait consacrée au dialogue à théâtralité |
6 |
« Voyez » |
Verbe à impératif |
Cette modalité injonctive montre la volonté de domination de Bouvillon sur le Destin. |
6-7 |
« Voyez […] sur nous ! » |
Phrase exclamative |
Insistance de la part de Bouvillon sur le fait qu’ils sont maintenant seuls à montre son désir et son manque de subtilité car elle essaie de manier le langage courtois sans vraiment le maîtriser |
7-8 |
« Je l’irai ouvrir […] le Destin » |
Hyperbate à mise en valeur porte |
Porte = enjeux comiques dans l’extrait : · Comique de Situation : Bouvillon qui sous-entend qu’elle souhaite une relation charnelle avec le Destin qui lui fait semblant de ne pas comprendre (cela montre également son caractère astucieux) · Comique de répétition : (l14-16 ; 21-22) Ces formes de comique introduisent une certaine théâtralité à l’extrait |
8 |
« Je ne dis pas cela » |
prétérition |
· Comique de répétition : (l14-15 ; 21-22) à théâtralité · Insistance sur les intentions de Bouvillon à montre sa difficulté à masquer ses intentions à incapable d’utiliser le langage raffiné des salons à personnage ridiculisé à satire sociale envers la bourgeoisie ? |
9-12 |
« mais vous savez bien […] voudra. » |
Connecteur d’opposition + langage courtois |
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12-14 |
« ce n’est pas […] le Destin » « jugement téméraire » |
Langage courtois avec exagération = ironie |
Le Destin essaie de refuser courtoisement l’invitation charnelle de Bouvillon. On voit que paradoxalement, puisqu’il « n’est qu’un pauvre comédien », il manie mieux le langage précieux que Bouvillon avec la présence de l’ironie (on sait déjà, dans le roman qu’il est d’origine aristocratique et qu’il s’est fait comédien pour fuir un danger) à révèle son caractère astucieux. |
14-16 |
« je ne dis pas cela » |
Répétition prétérition |
· Comique de répétition : (l14-15 ; 21-22) à théâtralité |
16-21 |
« Il faut […] porte ? » « fondement2 + comparaison « pauvre comédien / femme de votre condition » |
Langage soutenu à Langage courtois (salons 17ème ). Fondement = polysémique Raison / fesses à ironie |
Maîtrise langage soutenu + ironie à révèle le caractère astucieux de le Destin. |
22-26 |
« l’allant fermer […] consentement » |
Utilisation langage courtois mais dévoile en même temps ses intentions |
Rupture avec le principe de bienséance à ridiculisation |
22 |
« l’allant » |
hyperbate |
Mise en valeur de la porte à comique de répétition à théâtralité |
27-28 |
« son gros visage fort enflammé et ses petits yeux fort étincelants |
Parallélisme à chiasme Antithèse + hyperboles |
· Chaleur à montre l’intensité du désir de Bouvillon · Antithèse à visage disproportionné, porcin Animalisation de Bouvillon qui ne maîtrise plus ses instincts sexuels à burlesque à théâtralité |
30 |
« honneur » ; « bataille » |
Parodie du registre épique |
Mise en avant du manque de courage de le Destin et la domination de Bouvillon. |
31-34 |
« la grosse sensuelle […] étala […] dix livres de tétons […] la troisième partie de son sein […] sous les aisselles »
|
Oxymore + hyperboles |
Description burlesque du personnage à théâtralité |
32 |
« , qui n’y prenait pas grand plaisir, » |
Litote en apposition |
Renforce le contraste entre la « furie » de Bouvillon et la peur de le Destin à renforce l’effet burlesque à théâtralité |
35-36 |
« ( car elles rougissent aussi, les dévergondées) » |
Parenthèses Cataphores en apposition à antithétique de rougir |
Intervention amusée du narrateur (auteur ?) Antithèse + cataphore à dénonciation de l’hypocrisie de la Société ? |
35-38 |
« rouge, rougissent, rouge, écarlate » |
Répétition rouge |
· Symbole désir à exagération désir Bouvillon perd tout contrôle = burlesque à théâtralité · Symbole honte, timidité à hypocrisie / valeurs morales |
38 -40 |
« le Destin rougissait aussi, mais de pudeur, au lieu que la bouvillon, […], rougissait je vous laisse penser de quoi » |
· Rougir + connecteurs d’opposition · Déterminant devant Bouvillon |
· Symbole désir à exagération désir Bouvillon perd tout contrôle = burlesque à théâtralité + Symbole honte, timidité à hypocrisie / valeurs morales · Dépréciatif à Le déterminant rappelle le sens du nom communà personnage ridiculisé avant même sa première intervention dans l’extrait |
40 |
« elle s’écria » |
Verbe au passé simple à action au premier plan à attire l’attention du lecteur sur la réaction de Bouvillon qui semble exagéré à hyperbole |
Perte de contrôle à animalisation car elle se laisse dominer par ses instincts |
40 |
« petite bête » |
Métaphore de son désir |
Animalisation à burlesque à théâtralité + ridiculisation (satire sociale) |
41 |
« Son harnais » |
métaphore |
Animalisation à burlesque à théâtralité + ridiculisation (satire sociale) |
42-43 |
« le pauvre garçon le fit en tremblant |
Exagération « pauvre » + gérondif |
Accentue la domination de Bouvillon sur le comédien + effet burlesque à théâtralité. |
44 |
« lui tâtant les flancs au défaut du pourpoint » |
Euphémisme en apposition à ironie grivoise |
Renforce le caractère comique de l’extrait à domination de Bouvillon qui prend toutes les initiatives. |
45 |
« combattre ou bien se rendre » |
Parodie registre épique |
Le Destin totalement dominé par Bouvillon à burlesque. |
45-46 |
« quand Ragotin […] porte » |
Intervention d’un nouveau personnage en lien avec la porte |
Intervention qui clôt « la scène » à théâtralité |
Personnages étranges, différents héros traditionnel
Théâtralité
Remise en question valeurs morales
Transition : Nous venons de voir des différentes formes de comique - gestes, situation, répétition – mais aussi au travers du jeu avec la porte qui renvoie aux entrées et sorties de scènes de théâtre, et enfin, au travers des descriptions qui ressemblent à des didascalies, que cet extrait possède des caractéristiques proche de celles d’un texte théâtral. Cela nous permet donc de voir que les attentes du lecteur peuvent être renversées. Il nous reste à voir, maintenant, grâce à l’étude des personnages, si ces attentes peuvent être à nouveau bouleversées.
Début Plan détaillé
“Si le lecteur est scandalisé de toutes les badineries qu'il a vue dans ce livre, il fera fort bien de d'en lire pas davantage …” C’est ainsi que s’exprime Scarron dans la préface du Roman comique (1651-1657) dont nous avons maintenant un extrait du chapitre X, livre 2 à commenter. Dramaturge inspiré des comédies espagnoles, Scarron nous offre ici un roman bien particulier, rompant avec la tradition du roman aux personnages idéalisés. Ce récit est en effet considéré comme l’un des premiers romans picaresques français où le burlesque, le comique de théâtre s’immisce dans le genre narratif du roman. Le Destin avec sa troupe comédiens sont arrêtés dans une auberge. Madame bouvillon s’y trouve également. Dans l’extrait que nous avons à commenter, où prédomine le registre burlesque, entamé par une porte qui s’ouvre, se terminant par une porte qui se ferme comme les délimitations d’une scène de théâtre, on peut voir cette énorme femme très entreprenante, tenter de séduire le pauvre comédien qui ne semble pas du tout en avoir envie.
C’est pourquoi nous nous demanderons en quoi cet extrait peut surprendre les attentes du lecteur.
Pour ce faire, nous verrons tout d’abord que même s’il s‘agit d’un extrait de roman, cet extrait possède de nombreuses caractéristiques du théâtre, puis nous nous intéresserons aux personnages atypiques de Le Destin et Bouvillon, et enfin, nous étudierons la présence d’une critique sociale, phénomène très marginal dans les romans de cette époque.
I/ Théâtralité
1) Un espace scénique
Titre roman Roman / Comique invite lecteur à s’interroger sur les liens entre cette œuvre et le théâtre.
Pour cet extrait on remarque la création d’un espace clôt qui pourrait ressembler à celui d’une scène de théâtre. Pour cela, l’attention du lecteur est ostensiblement portée vers la porte, partie intégrante des scènes de théâtre par laquelle entrent et sortent les personnages, servant de marqueur pour les débuts et fins de scène. Ainsi :
· L’hyperbate l. 4 « en sortant de la chambre, tira la porte après elle » = véritable début de la scène entre le destin et Bouvillon.
· L. 45-46 « quand Ragotin se fit ouïr de l’autre côté de la porte »
On remarque également des éléments du texte qui peuvent être rapprochés d’un texte de théâtre
2) Les marques du théâtre
· Tout d’abord l.1 à 4, première phrase assez longue « On desservit quand le Destin cessa de manger, madame Bouvillon le fit asseoir auprès d’elle sur le pied d’un lit et sa servante, qui laissa sortir celles de l’hôtellerie les premières, en sortant de la chambre tira la porte après elle » à mise en place du contexte à possibilité d’envisager cette intervention narrateur comme didascalie initiale.
· Par ailleurs, long dialogue l. 6 à 26 « Voyez un peu cette étourdie […] de notre consentement » où les interventions du narrateur se limitent aux verbes de parole « lui répartit le Destin » l. 14 et 17, « répondit la Bouvillon » l. 9 et à une indication au gérondif « en l’arrêtant » l.9 qui ressemble à une didascalie de type kinésique.