Commentaire de Pablo de los Rios
Introduction
Nous sommes en présence d’un extrait de la scène d’exposition de la pièce de théâtre L’Île des esclaves écrite en 1725 par Marivaux, écrivain français du XVIIIème siècle amoureux du théâtre. Cet œuvre traite le sujet de l’esclavage et de l’ordre social, ou on peut la considérer comme un avancement de l’enjeu social étudie par les Lumières. Dans cet extrait, suite à un naufrage, Iphicrate, un maître athénien et Arlequin, son esclave, ont échoué sur l’île des esclaves, habitée par d’anciens esclaves qui tuent leurs maîtres ou qui en font leurs esclaves. Alors Iphicrate a peur de la situation car il est en danger, il veut donc partir a la recherche de ses camarades et quitter l’île rapidement tandis qu'Arlequin n’a pas les mêmes intentions que son maître.
On va donc nous demander, en quoi peut on voir un renversement du rôle maitre valet.
Premièrement, on va étudier cet extrait sur ses aspects de scène d’exposition, ensuite sur la révolte d’Arlequin dans des aspects linguistiques et finalement comment le maitre perd son autorité.
I. Une scène d’exposition.
A. Personnages
En premier lieu, la scène nous présente les personnages principaux ; Arlequin et Iphicrate. Aussi on nous mentionne des camarades et des esclaves révoltés qui probablement seront présents au cours de l’œuvre.
Arlequin et Iphicrate sont présentés pour mettre en évidence un rapport social.
Iphicrate est le “patron”, et même son nom le désigne, étymologiquement il est celui qui gouverne avec violence. Tandis que Arlequin est le valet spontané et joyeux.
On peut donc trouver une opposition des attitudes, celui qui est sérieux et celui qui est content, une caractéristique qui rendra comique la scène.
B. Cadre spatio-temporel
D’abord les didascalies nous présentent un espace de l’action (île, mer, rochers, arbres, maisons).
D’ailleurs on peut analyser les différents références à la Grèce antique; “de la Grèce” (L20), “langue d’Athènes” (L64), “pays d’Athènes” (L68), qui nous renvoient sur l’idée utopique de la démocratie: une égalité par rapport à l’ordre social. Un enjeux que Marivaux traite dans son œuvre.
De plus on peut noter une caractéristique importante de l’ile, liée aux lieux utopiques: l'île est un endroit isolé, sans contact direct avec le monde habituel : on peut donc y établir de nouvelles lois et abolir les anciennes. Alors on peut dire que le lieu favorise ce renversement des situations sociales entre les maîtres et les valets.
C. L’intrigue
D’une part, Iphicrate reconnait l’ile et ses dangers, contrairement Arlequin. Il y a un décalage entre eux, Arlequin ne comprend pas l’angoisse d’Iphicrate parce qu’il connait pas l’ile. La découverte de la vérité déclenchera l’action. C’est quand Iphicrate lui raconte sur l’ile des esclaves a Arlequin (L20 à 23) que l’attitude du valet commence à évoluer face à son maitre.
Transition: On peut donc dire que ses deux personnages opposés se trouvent sur un univers bouleversé avec des valeurs inversées par rapport à la société contemporaine, donc cadre spatio-temporel favorise la situation. Ensuite on va analyser comment l’inversion des rôles et la révolte d’Arlequin est en inscrit dans les dialogues.
II. L’évolution du rôle d’Arlequin au niveau linguistique
A. Un renversement au niveau de la parole
On peut percevoir une évolution de la fonction du valet à partir de la parole.
D’abord, Arlequin passe du vous au tu, comme par exemple “je vous plains...” (L30) évolue à l’utilisation du pronom indéfini“à ta honte” (L67) ou “toi” (L70, 74).
Aussi, on peut trouver un deuxième basculement au niveau du temps employé. D’abord il se réfère à lui comme esclave au présent de l’indicatif sur la (L25) “ils ne font rien aux esclaves comme moi”. Puis, au passe compose “Je l’ai été”, et ensuite a l’imparfait “tu me traitais”. Arlequin nous parle des actions terminées, une évolution sur laquelle il n’est plus esclave.
B. L'indépendance d’Arlequin
par ailleurs, une des actions visibles c’est quand Arlequin se dirige à Iphicrate en lui disant“chacun à ses affaires” (L61), où Arlequin veut montrer que les intentions de son maître ne sont plus à lui. Aussi, quand il utilise le pronom possessif “moi” (L25), il réaffirme son indépendance.
Pourtant il commence a traiter son maître d'égal à égal, “Adieu mon ami” (L74). L’inversion des rôles est très visible quand Arlequin dit à Iphicrate “je vais trouver mes camarades et tes camarades” L (74). Arlequin devient maître et Iphicrate devient le valet.
Transition:
Après avoir prouver qu’il y a une révolte d’Arlequin déclenché par la situation de l’île des esclaves et qui est mise en évidence dans l’évolution de sa parole, on va ensuite analyser comment le maitre perd son autorité à partir d’une scène comique.
III. Une scène comique où le maître perd son autorité
A. L’indifférence d’Arlequin
Au cours de la scène, Arlequin montre une indifférence envers les répliques de son maître, ce qui rend la scène comique et prouvent une perte du contrôle de Iphicrate sur son valet.
Sur la (L 24) “ils tuent les maîtres, à la bonne heure”, Arlequin commence à montrer que ses intentions sont contraires à son maître. Aussi, la didascalie “prenant sa bouteille”(L 30) nous montre un geste qui reflète qu’il ne pense pas vraiment à sa réplique, afin qu’il commence a s’en ficher de l’autorité de son maître. Encore il lui dit “Je vous plains de tous mon cœur”(L 30), et il le répète à la ligne (L 37) “Je vous plains”.
B. L’échec des stratégies du maître pour reprendre le pouvoir
À différence d’Arlequin, Iphicrate veut retrouver ses camarades pour pouvoir partir de l’île rapidement, et il a l’espoir qu'Arlequin comprenne sa situation, on le met en évidence dans la gradation de la (L 28) “je suis en danger de perdre la liberté vie et peut-être la vie”.
Mais Arlequin reste indiffèrent. Tandis, il revient à son rôle du maître utilisant l’impératif.
Il utilise des ordres qui progressivement deviennent des interrogations: “Suis moi donc.”(L 32), après “Comment donc! que veux-tu dire?” (L 34), ensuite “Parle donc; as-tu perdu l’esprit? à quoi penses-tu?”(L 36). Puis, il utilise l’impératif de nouveau mais cette foi il s’inclue dans ses ordres: “…marchons de ce côté.”(L 40)
Et même suppliant, “je t’en prie.” (L 42). Mais Arlequin n’est pas naïf, et il se moque répétant avec ironie à son maitre “Je t’en prie, je t’en prie…” (L 43).
Ensuite, il revient à l’impératif mais avec du futur de l’indicatif; nous trouverons (L 46), nous rembarquerons (L47).
Cependant, Arlequin remarque son changement d’attitude “comme vous tournez cela!”(L 48), afin de tromper les stratégies de son maître en les montrant aux spectateurs.
Ceci est remarqué quand son maître lui dit “mon cher Arlequin”(L 53) et Arlequin lui répond avec une répétition ironique“Mon cher patron” (L54).
Par conséquent, Iphicrate utilise comme stratégie d’être affectif, en lui disant “ne sais-tu pas que je t’aime?” (L 56) et “Méconnais-tu ton maître, et n’es-tu plus mon esclave?” (L 66). Finalement, avec désespoir, il utilise la violence dans les didascalies “courant après lui, l’épée à la main.”
C. La rupture théâtrale de la communication
Premièrement, l’intrigue ne peut avancer jusqu’à ce que l’élément déclencheur soit lancé par Iphicrate: “Méconnais-tu ton maître, et n’es-tu plus mon esclave?” L66. On trouvait une discontinuité dans la communication vu sur la mise en scène: le maître veut avancer; “marchons” (L 40), “avançons” (L 42), “hâtons nous”(L 45); mais, le valet restait immobile. Il commençait déjà a être irrespectueux avec son maître.
Par conséquent, quand il est conscient de que son maître n’a aucun pouvoir sur lui. Alors il ne s’adresse plus à son interlocuteur, on peut le mettre en évidence quand il chante (L49). De même, le maître le témoigne, “le coquin abuse de ma situation” (L 39).
D’ailleurs, il commence a être graduellement plus irrespectueux, sur les didascalies: il siffle, chante et rie.
Conclusion
Pour conclure, dans cette scène d’exposition, il y a une inversion des rôles qui est mise en scène de façon comique. Le cadre spatio-temporelle favorise cet renversement. L’îles des esclaves est un lieu utopique car c’est un univers bouleversé avec des valeurs inversées par rapport à la société contemporaine. On peut trouver dans cet extrait une évolution progressive des rôles des deux personnages; la révolte d’Arlequin et la perte de pouvoir d’Iphicrate.
La scène se rend comique par l’indifférence d’Arlequin face à l’échec des stratégies du maître pour rattraper le pouvoir.
On peut donc dire que Marivaux fait une remise en cause de l’esclavage et de l’ordre social avec sa comédie.
Cela nous ramène à penser sur une réflexion du jugement politique qui est mise en cause par différents dramaturges comme Molière ou Scapin. Pour quoi peut-on considérer cet réflexion des dramaturges comme un avancement de la révolution française?
Un Cadre spatio-temporel particulier
- L'intrigue se déroule en Grèce, à priori dans l'antiquité avec le nom du personnage Iphicrate --> référence au lieu de naissance de la démocratie --> remise en cause de la monarchie absolue = thème des Lumières.
- Une île, difficile d'accès puisque les personnages y accèdent à la suite d'un naufrage + lieu où les esclaves se sont libérés de l'emprise de leurs maître "île des esclaves" --> Utopie ?
Des personnages correspondant à des archétypes
- Iphicrate, qui signifie celui qui dirige par la force = archétype du maître
- Arlequin avec son costume à multiple facettes correspondant à sa capacité à s'adapter = représentant des valets de comédie
- Ces deux personnages représentent les archétypes du rapport Maître/valet dans la comédie.
Une relation qui évolue
- Simple impertinence correspondant au rapport habituel Maître/Valet avec l'ironie des premières phrases (gradation)
- Vers la révolte du valet lorsqu'il finit par comprendre où il se trouve --> tirade + menace d'Arlequin vis à vis de son maître.
Conclusion : Cette exposition ne renvoie donc pas seulement à une relation Maître/valet maintes fois présentées dans les comédies mais à un renversement de l'ordre social plus conséquent puisqu'à la fin de la pièce, même si Arlequin revient au service d'Iphicrate, il y revient de sa propre volonté (il n'est plus son esclave) avec un maître qui a profondément changé. On peut y voir l'esprit des Lumières qui ne remet pas en cause l'autorité à condition que celle-ci soit exercée de manière éclairée et que celui qui la subit la subisse de son plein gré.
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